Hiver…
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Ca y’est, c’est parti, cette fois c’est la bonne. Vers trois heures, cet après-midi, on a vu tomber les premiers flocons. Bien drus, bien lourds, tombant lentement à la verticale. Voilà une semaine pourtant que nous laissions couler l’automne. Des journées avec des heures pleines de lumière, presque douces. Assis contre un arbre ces jours là, face au soleil, tu peux croire que tu vis en pays d’éternité. La nature ici est comme ça. Elle te donne le temps de te préparer à la bataille. Et la bataille arrive toujours. Quand les enfants arrivent de l’école ils sourient plus largement qu’à leur habitude en secouant les flocons accrochés à leurs habits, et en tapant les pieds avant d’entrer dans la maison. Les pieds qui tapent la neige avant d’entrer, voilà bien le premier bruit que fait l’hiver.
Quand on se couche un soir comme celui là on sait bien que c’est le lendemain que les choses sérieuses commencent. Comme prévu, comme toujours, en milieu de nuit, ça a commencé à ronfler, longs gémissements sourds contre la maison. Ca s’appelle « la tube » ( le vent du nord qui souffle la neige). Le blizzard des Canadiens, quoi !. La tube à Vassieux, tout le monde s’en plaint, mais tout le monde aime ça. C’est dans la tube que l’on devient Vassivain. C’est du sérieux, la tube.
Ces jours-là pour aller travailler ou emmener ses enfants à l’école, il vaut mieux se lever plus tôt qu’à l’habitude, bien manger. Et prendre une pelle. Dehors, c’est simple, le ciel et la terre ne font plus qu’un. Et la neige, désormais, est faite de grains fins durs comme du sable et ils arrivent cette fois à l’horizontale. Si tu te mets face au vent, tu crois te noyer. Mais quelle claque ! Là, tu oublies l’éternité, seul l’instant compte. Il faut maintenant brasser la neige avec la pelle, dégager la voiture. Qu’elle soit prête quand « ils » vont arriver. « Ils », ce sont ceux du chasse-neige.
Les enfants derrière la fenêtre l’attendent comme une merveille. C’est vrai que c’est beau un chasse-neige. Une rampe de phares blancs qui perce la neige dans la nuit, et le sifflement caractéristique du moteur turbo qui pousse. Les voilà, ils sont passés, on fonce, tout le monde dans la voiture, la trace peut se refermer en quelques minutes. Il y a des points de passage critique, chaque quartier de la commune a les siens : Croix du Fer, Champs de l’âne, la traverse des Chapotiers, celle du Château, le Col de Proncel. Les passer sans rester dans une congère, c’est comme un victoire, un petit plaisir d’orgueil.
Et puis, comme elle a commencé, la bise s’arrête. D’un coup. Et alors là ! Là tu comprends pourquoi tu vis ici, tu te lèves, dehors tout est calme, figé.
Quand tu sors de chez toi, la lumière t’éclate à la figure, et le froid te pince le nez pour te dire bonjour. Et quand tu regardes les champs à perte de vue, la neige scintille en vagues figées comme un océan arrêté net par le temps qui dit "stop".
Ces-jours là, tu n’as qu’une envie c’est de prendre les skis pour partir en mer.